dimanche 28 janvier 2018

"Konbini" - Sayaka Murata


De Sayaka Murata, éditions Denoël, Janvier 2018, Roman, Japon, Différence.

Résumé :

Depuis l'enfance, Keiko Furukura a toujours été en décalage par rapport à ses camarades. À trente-six ans, elle occupe un emploi de vendeuse dans un konbini, sorte de supérette japonaise ouverte 24h/24. En poste depuis dix-huit ans, elle n'a aucune intention de quitter sa petite boutique, au grand dam de son entourage qui s'inquiète de la voir toujours célibataire et précaire à un âge où ses amies de fac ont déjà toutes fondé une famille. En manque de main-d'œuvre, la supérette embauche un nouvel employé, Shiraha, trente-cinq ans, lui aussi célibataire. Mais lorsqu'il apparaît qu'il n'a postulé que pour traquer une jeune femme sur laquelle il a jeté son dévolu, il est aussitôt licencié. Ces deux êtres solitaires vont alors trouver un arrangement pour le moins saugrenu, mais qui leur permettra d'éviter le jugement permanent de la société. Pour combien de temps...

Mon avis :

    Keiko Furukura est une trentenaire ayant un travail précaire à temps partiel dans une supérette. Depuis son enfance, elle ne se comporte pas "comme les autres". Elle prend alors le pli de "faire comme les autres" pour ne pas s'attirer l'attention d'autrui. Celui-ci lui permet tout juste de vivre. Elle se sent bien dans son Konbini, le quotidien s'écoulant au rythme des réductions et des nouveautés. Sa famille et ses amies lui font sentir le poids de son célibat, mais également de son choix professionnel. Mais Keiko se trouve très bien ainsi. Un jour, un nouvel employé arrive Shiraha. Ce dernier, également trentenaire, n'a pas de situation professionnelle, il n'est pas installé dans la société. Keiko et Shiraha trouveront un terrain d'entente qui vont les satisfaire tous les deux aux yeux des autres, de la société et de leur famille... Quoique...

    La portée de ce livre va au-delà d'une simple employée de Konbini. ces petites supérettes sont nombreuses au Japon. En y plaçant son histoire dans un lieu aussi commun, l'auteur en augmente l'humanité. La pression sociale au Japon est très grande et la puissance donnée aux hommes dans le statut sociale ou professionnel, très important. La plupart des employés des konbini sont des étudiants, des "freeters" (personnes accumulant des petits boulots souvent jeunes). À la trentaine, les hommes doivent avoir une bonne position au sein de la société pour entretenir leur foyer, femme et enfant. Le fait qu'à son âge, Keiko travaille toujours dans cet endroit est même suspicieux aux yeux de ses proches.

    La société japonaise a ses codes et son fonctionnement. Ce livre est plus une ode à la différence qu'une critique virulente de la société. Etre ce que l'on est, peut importe les diktats de la société, même si notre travail ne répond pas à l'hégémonie consensuelle, est parfois difficile même dans nos pays. Mais la culture japonaise donne au travail une importance capitale. Le personnage de Shiraha est plus virulent dans ses propos que celui de Keiko, et pourtant, j'ai ressenti beaucoup d'empathie envers eux. L'être humain est encore guidé par la place qu'il doit trouver dans la société. 
    Mais je ne dit pas pour autant que je n'ai pas ressenti une critique sur cette société très codifiée. Son succès au Japon vient peut être également de cela : cette histoire, même courte, met en évidence un malaise ressenti par beaucoup dans ce Japon alliant tradition et modernité. 

    Les personnages sont attachants, complexes et pourtant assez communs. Keiko, dans sa singularité, est un personnage qui montre bien la difficulté pour s'intégrer dans une société où la norme prime sur l'individu. La lecture est agréable, le livre se lit vite et le dépaysement total : cela ne demande pas de connaître la société japonaise : Sayaka Murata donne les clefs de sa compréhension par les dialogues et réflexions des personnages.

En bref :

Le droit à la différence prend les traits d'une trentenaire attachante dans ses réflexions face à une société japonaise dont le diktat de la norme prime sur son individualité.

4 commentaires:

  1. Trouver sa voie est déjà difficile en soi. Mais lorsque la société met son grain de sel, on a une jeunesse complètement perdue. La norme, c'est pas bon, mais sans norme, parfois la jeunesse ne se retrouve pas. Et si la norme c'est la télé réalité, c'est pas mon idée de la société. J'aime bien ta conclusion, elle donne bien envie.

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    1. Chaque société est différente et régit par des codes différents.

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  2. La société japonaise a ses codes, voici un livre intéressant pour les décoder

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    1. Il donne beaucoup de piste effectivement. De la simplicité pour expliquer du complexe.

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