lundi 16 mai 2016

"Le dédale du passé" - James Scudamore


Le dédale du passé

Merci à NetGalley et aux éditions Stock de cette opportunité de découvrir ce livre.
​De James Scudamore, édition Stock, avril 2016, Roman, Drame.

Résumé :

Jasper Scriven habite Wreaking, un hôpital psychiatrique désaffecté sur la côte sud de l'Angleterre. Il erre dans les bâtiments vides dont il cherche à capturer les souvenirs et les consigne sur des feuilles volantes qu'il envoie chaque semaine à sa fille Cleo.
Cleo est monteuse pour une chaîne d'informations à Londres, l'actualité est sa matière, un présent envahissant qui la maintient à l'écart des traumas et des démons du passé.
A quelques pas pourtant, chaque soir, Roland, un géant au grand cœur et ami d'enfance, la surveille.
Ces héros solitaires sont liés par un terrible accident qui s'est joué il y a bien longtemps dans l'enceinte de Wreaking, un drame qui les hante et dont ils cherchent à se libérer. Mais pour cela, il leur faut regarder le passé en face.
Une histoire d'amour et de folie ordinaire, glaçante et envoûtante.

Mon avis :

Jasper Scriven vit dans le Sud de l’Angleterre dans un hôpital psychiatrique désaffecté qu’il a acheté avec le projet de le transformer en une école privée avec l’une de ses compagnes. Il a une fille, Cléo, dont on apprend très vite qu’elle possède un œil de verre, vestige d’un accident passé. Elle travaille comme monteuse vidéo, mettant en forme les images de catastrophes naturelles ou de faits divers. Pour sa sécurité, Roland, un ami d’enfance, veille sur elle du coin d’une rue face à son appartement, se faisant discret et ne cherchant pas à faire partie de sa vie actuelle. Son allure d’homme à muscles lui vaut un travail « à côté de la loi » auprès de Victor, le demi-frère de son ami Oliver : cambriolages et intimidations sont lot quotidien. Ce dernier est un être déchiré, complexe, vrai dans ces errances et dans sa rage.

Le livre explore les vies de ces personnages, leurs obsessions, entre un père obnubilé par l’hôpital et ses errements à l’intérieur de ses murs, Cléo, qui nous explique la construction de sa vie, ses choix. Roland quant à lui est un personnage complexe dès son enfance, et sa retenue dans son comportement a davantage attiré mon attention, ainsi que cette capacité à la culpabilité.
Ce livre est un dédale, un labyrinthe. Nous cherchons notre chemin aux travers de l’histoire, tentant vainement de raccrocher les indices que l’auteur nous laisse pour répondre à nos interrogations. James Scudamore pose les bases d’un questionnement permanent sur la psychologie des personnages. Complexes, meurtris et habités par des angoisses et obsessions diverses, il dresse des portraits attachant : qu’arrivent ils à ces personnages ? Dans la première partie du livre, l’auteur nous les présente tels qu’ils sont, tels qu’ils évoluent dans leur quotidien. Les questions abondent : pourquoi réagissent-ils ainsi ? Pourquoi père et fille ont-ils une telle relation ? On se perd également dans les témoignages recueillis par le père sur les anciens patients de Wreacking, et on s’interroge sur les raisons des hospitalisations. On s’étonne également de découvrir ce qu’était l’hôpital psychiatrique avant. On ne peut s'empêcher de faire le parallèle entre l'architecture de l'hôpital et les vies de ces personnages : brisées, cabossées en tout sens, gardant en elles les stigmates du passé.

Dans la seconde partie du livre, on se trouve plongé dans la jeunesse de Cléo, Roland et Oliver. Leur relation est expliquée et de nombreuses questions surgissent auxquelles nous aurons des réponses dans la troisième et la quatrième partie.

L’hôpital, Wreacking, est, au-delà de porter en lui les réponses à diverses questions, est un personnage à part entière de l’histoire. Ceux-ci évoluent à l’intérieur pour diverses raisons : reconstruction, aménagement, terrain de « jeux ». C’est également un endroit dépeint par ces facettes cabossées, cassées, en ruine. Le parallèle avec l’état des personnages est facile : Jasper Scriven a une maladie pulmonaire, nombreuses sont les pages où nous lisons les symptômes de celle-ci, agissant sur son quotidien, diminuant ses forces et ses capacités. Cléo, dont l’œil de verre est une cicatrice de son passé. Roland, torturé par la culpabilité. Oliver, dont le caractère vif lui vaut plus d’une fois des problèmes.
Les personnages, comme je l’ai déjà souligné, sont dépeints dans leurs plus petites imperfectionsRien n’est caché au lecteur, des addictions, aux erreurs en passant par les frustrations. Et c’est qu’on aime y lire : des vies portant des blessures.

Le passé lie les personnages : leur point commun reste Wreacking. L’auteur crée beaucoup de frustration chez ses lecteurs dès le début du livre, livrant en compte goutte les réponses face à des questions toujours plus nombreuses : comment Cléo a-t-elle perdu son œil ? Quelle était sa relation avec ses amis durant l’adolescence ? Quelle est la relation entre le père et la fille ?
Les réponses, distillées avec calme et sans précipitation, sont fragiles, bouleversantes. Il y a une distance entre les faits et la réaction des personnages qui choque, perturbe. Mais progressivement, tout se dévoile, et la toile est achevée. Le lieu commun de ces personnages, cet hôpital psychiatrique en ruine donne voix aux personnages et le lecteur parvient à retrouver son chemin dans sa lecture : il est repu et sa frustration apaisée en fermant le livre. Malgré tout, on ne ressort pas indemne de ce livre, et on y pense encore celui-ci fermé : on a aimé s’y perdre, et on est bouleversé par la profondeur et l’intensité de ses émotions.

En bref :

Une lecture qui bouleverse et interroge. On n'arrive pas à lâcher le livre non par voyeurisme, mais par besoin de comprendre comment ils en sont arrivé là. Un livre à lire!

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